Un autre monstre pour
l’Omnium Américain?
Ne serait-ce que pour sa localisation un peu perdue au
centre du Wisconsin et à bonne distance des grands centres urbains ou pourront
loger les joueur et spectacteurs, on pourrait facilement dire que le parcours
d’Erin Hills est parfait pour la tenue de l’Omnium Américain et en symbiose
parfaite avec l’époque contradictoire que traverse présentement l’industrie du
golf. Énormément vaste, il permet d’accueillir un nombre illimité de
spectateurs et de commanditaires sans qui les profits sont impossibles! Long,
long, long et flexible, il représente également très bien le besoin qu’a la
USGA à utiliser des parcours qui permettront de répondre aux standards voulant
que le parcours soit difficile et propice à identifier de grands champions.
Moderne et contemporain, il puise son inspiration dans la tendance actuelle de
créer des parcours à l’aspect naturel et rustique; des parcours
« destination » aménagés à des endroits susceptibles de créer de
grands parcours pour une clientèle nichée qui n’hésite pas à voyager pour s’y
rendre.
Le rêve du parcours a débuté à la fin des années 90 dans
la tête de Steve Trattner, un informaticien qui rêvait de pouvoir faire sa vie
dans le domaine du golf, mais dont le talent pour le sport était limité malgré
son obsession pour celui-ci. Trattner avait pourtant trouvé un site
spectaculaire, à près de 45 minutes du centre-ville de Milwaukee, et il rêvait
d’y aménager ce qu’il soupçonnait être un parcours digne des plus grands au
monde. Pour ce faire, il avait besoin
d’argent et d’un promoteur qui n’aurait pas froid aux yeux. Après plusieurs tentatives pour convaincre
des investisseurs à se joindre à lui, il finit par tomber sur la personne de
Bob Lang, un développeur résidentiel ayant fait fortune dans les calendriers et
les cartes de souhait.
En 2000, Lang octroie le mandat du design du parcours
au consortium composé de Micheal Hurdzan, Dana Fry et Ron Whitten. Alors que Hurdzan et Fry avaient déjà
derrière eux une longue liste de parcours très bien reçus, dont Le Diable, ici
même au Québec, Whitten, lui, était plus connu pour sa longue collaboration au
Magazine Golf Digest en tant qu’éditeur spécialisé en architecture sans
toutefois n’avoir jamais participé à la conception d’un parcours de golf. Leur but commun était cependant très clair :
créer le parcours de golf le plus naturel qui soit, en bougeant le moins de
matériel possible et en maximisant l’usage des caractéristiques naturelles du
site.
Avec la participation insistante et parfois
dérangeante de Lang, l’équipe de concepteur s’est appliquée à créer un parcours
spectaculaire d’une grande beauté. Pendant ce temps, Lang, très impliqué,
s’occupait de développer les infrastructures autour du parcours. À son ouverture en 2006, les premières impressions
sont mitigées principalement dû au fait que le parcours n’avait pas encore
atteint une pleine maturité avec ses allées en fétuque fine. Les coûts
d’entretien ont tôt fait de plomber les finances du club qui est bientôt vendu
au propriétaire actuel, Andy Ziegler. Ce n’est qu’à partir de cette date que le
club est définitivement entre bonnes mains. Plusieurs modifications et
améliorations ont bientôt suivi pour donner le parcours que l’on connait
aujourd’hui.
Les
ondulations
Le parcours est situé sur une moraine glacière, c’est à
dire une grande étendue de sols variés et ondulés laissés en place par le
retrait de glaciers à la fin de la dernière ère glaciaire. Le tout donne un
parcours ponctué de grandes ondulations créant un paysage spectaculaire digne
des plus grands parcours au monde. Ces
ondulations seront constamment en jeu sur la grande majorité des trous et les
golfeurs devront en tenir compte dans leur stratégie pour attaquer le
parcours. Tel que sur la majorité des
parcours de type links écossais et irlandais, les golfeurs pourront profiter de
ces ondulations dans leur stratégie afin de faire rebondir ou rouler la balle
en direction de leur cible en contournant certains obstacles.
Un
links à l’américaine
Au fil des dernières années, la USGA nous aura
habitués à un savant mélange de parcours anciens et modernes offrant tous un
challenge particulièrement relevé. Le
parcours d’Erin Hills est un parcours moderne à l’esthétique rustique, tel
Chambers Bay en 2015, occupant un vaste territoire fortement accidenté ensemencé
de fétuque et conçu avec la prétention d’accueillir un jour l’Omnium. Il
ressemble également à Shinnecock Hills, hôte de l’Omnium en 2004 et à Oakmont,
hôte en 2016, pour leurs sites ouverts et frappés des grands vents, offrants de
vastes perspectives vers le paysage ambiant. En gros, on pourrait qualifier le
parcours minimaliste d’Erin Hills de type « Prairie Américaine » ou
bien encore « links américain », dans le sens qu’il présente en fait
beaucoup de caractéristiques de links écossais et irlandais, sans être en bord
de mer, mais plutôt sur vaste étendue de dépôts morainiques constitués
majoritairement de sable offrant la possibilité de conditions de jeu fermes et
rapides.
La
fétuque et l’échelle immense du parcours
Un parcours de golf occupe généralement une surface de
150 à 175 acres. Dans l’orgie de statistiques qu’on nous présente dans les
avant-goûts du tournoi sur le web, on mentionne que le parcours s’étend
apparemment sur une surface de près de 350 acres sur lesquels on retrouve plus
de 150 acres de fétuque! Inutile de dire que celle-ci sera bien présente pour
les golfeurs et elle risque de leurs causer plusieurs maux de tête. Une
quantité impressionnante de ressources sont allées à l’entretien de cette
fétuque afin de lui permettre d’avoir cette apparence bien particulière de
gazon long ondulant au rythme du vent.
Par contre, ce n’est pas la fétuque fine et clairsemée comme celle des
links écossais et irlandais à laquelle les golfeurs seront confrontés, mais
bien une fétuque dense et profonde qui aura été longuement cultivée et
entretenue, et qui sera fort probablement impitoyable. On risque d’en entendre
parler
Trous
à souligner
Une courte normale quatre tirant un bon partie des
ondulations qui jalonnent le site, le deuxième trou pourrait donner de bonnes
chances d’oiselets dès le début du parcours pour ceux qui n’ont pas peur de
frapper à l’aveugle. Le vert est situé
tout juste au-delà d’une crête qui en cache la vue, et le meilleur angle
d’attaque vers le plus petit vert du parcours se trouve à l’extrême gauche de
l’allée : une zone elle aussi cachée par un immense monticule qui en
obstrue la vue.
Après plusieurs longs trous ondulés marquant le neuf
d’aller, celui-ci se termine par le trou le plus court du parcours. À 165
verges à partir des jalons les plus reculés, celui-ci pourrait causer des
problèmes aux golfeurs. Semblable au célèbre « Postage Stamp » vu
lors dul’Omnium Britannique de 2016, ce petit vert est entouré de fosses de sable
profondes et irrégulières qui pourront résulter en quantités de postures
bizarres pour les golfeurs. De plus, les
coup de départ, frappés en pente descendante, seront fortement influencés par
les vents latéraux qui traversent le site….
Cette courte normale 4 pourrait être l’une des
dernières opportunités d’oiselets du parcours, d’une manière similaire au 17e
trou à Oakmont l’an dernier. D’une
longueur totale de 370 verges, il y a fort à parier que l’on jouera ce trou des
tertres avancés pour inciter les golfeurs à tenter d’atteindre le vert avec
leurs coups de départ. On s’en doute, le tout sera risqué, puisque le vert est
bien positionné sur le flanc d’une pente forte sur laquelle se trouvent
également plusieurs fosses bien profondes et la terrorisante fétuque.
Il est rare que l’Omnium Américain se termine avec une
normale 5, mais il est encore plus rare qu’il se termine sur une normale 5
pouvant être étirée jusqu’à 675 verges.
Il sera intéressant de voir quels résultats cela donnera dimanche en fin
de tournoi. Normalement, une normale cinq est une bonne opportunité d’oiselet,
mais dans ce cas-ci, est-ce que la même logique s’appliquera? C’est une bonne question. Personnellement,
j’espère que les joueurs joueront une version raccourcie du trou pour que les
plus agressifs puissent avoir une chance d’atteindre le vert en deux coups pour
rendre la fin de parcours excitante….
Conclusion
Je serai encore une fois au rendez-vous pour voir
comment les joueurs négocieront ce parcours qui a beaucoup de caractéristiques
pour me plaire. Cependant, je me questionne encore bien souvent sur le besoin
de construire des parcours de 7800 verges comme c’est le cas ici, alors que la
grande majorité de golfeurs peine à jouer des parcours de plus 6200 verges.
Pourquoi entretenir de si vaste étendues de gazon pour des tertres qui ne
servent bien souvent jamais ou que très, très peu? À quand une balle unique pour
les tournois professionnels, et pourquoi sentir ce besoin que les joueurs ne
jouent pas un score trop bas sous la normale parce que c’est l’Omnium Américain
et qu’il faut protéger l’intégrité de la normale? Ce sont toutes des questions
valables en cette ère où l’on tente bien souvent de réduire la longueur et la
surface qu’occupent les parcours de golf dans l’espoir de rendre le jeu plus
rapide et plus agréable pour les joueurs, tout en minimisant frais d’entretien.
J’espère, à tout le moins, que les dirigeants de la USGA ajusterons les
distances des trous au cours du weekend de manière à créer de l’intérêt et ainsi
mettre en valeur la stratégie offerte par plusieurs des trous.
Pour de superbes images du parcours et des survols des
trous de toute beauté, cliquez ici.
Pour d'autres superbes images du parcours et un autre survol des trous de toute beauté, cliquez ici.
Pour d'autres superbes images du parcours et un autre survol des trous de toute beauté, cliquez ici.
Pour une formidable description complète du parcours,
cliquez ici.
Pour la description de l’histoire du parcours par l’un
de ses concepteurs, Ron Whitten, cliquez ici.
Pour la troublante histoire de Steve Trattner, l’homme derrière les origines du
parcours, cliquez ici.
Yannick Pilon Golf
© 2017