Ballybunion, Comté de Kerry, Irlande
Architecte : Tom Simpson (1936).
Nommé en l’honneur de la famille Bunion, qui était alors propriétaire du château local datant du 15e siècle, le Ballybunion Golf Club est judicieusement positionné à travers une série de dunes immenses qui sont disposées de manière aléatoire en bordure de l’océan Atlantique.
Fondé en 1893, le parcours est alors critiqué par l’Irish Times comme étant « un endroit rempli de lapins en bas du village où la patience des golfeurs est continuellement mise à l’épreuve et où une réserve inépuisable de balles est nécessaire ». Le club ferma quelques années plus tard suite à une série de problèmes financiers avant d’être ravivé en 1906 par Lionel Hewson, l’éditeur du magazine Irish Golf, qui accepta d’y aménager un parcours de neuf trous.
Vingt ans plus tard, le parcours fut allongé à dix-huit trous, mais ce n’est qu’en 1936 que l’on demanda à Tom Simpson de renforcir le parcours pour créer celui que l’on connait aujourd’hui. À la fin des années soixante, les terres situées au sud du Old Course furent acquises par le Club dans l’espoir d’y développer un nouveau parcours. Ce n’est qu’en 1982 que celui-ci verra le jour, grâce au design du célèbre architecte Robert Trent Jones, à l’époque très populaire pour ses difficiles parcours aux États-Unis.
À l’époque, le trou no. 5 actuel était le dix-huitième trou, mais le nouveau parcours nécessita l’ajout d’un nouveau chalet pouvant servir les deux parcours. Ainsi, on renumérotera les trous pour leur donner leur configuration actuelle. Ce changement fut, à mon humble avis, très productif. En effet, le parcours se termine maintenant avec les trous les plus spectaculaires du parcours, tandis qu’il se concluait avant sur les deux trous les moins inspirants!
Le parcours
Ce parcours était celui que j’attendais avec le plus d’impatience lors de mon voyage. C’est en effet un parcours mythique qui symbolise avec force le golf Irlandais. Puisqu’il a été classé 18e meilleur parcours au monde par le magazine Golf Digest en 2010, on est en droit de s’attendre à une expérience mémorable. Inutile de dire que dans de telles circonstances, il est plus facile de décevoir que d’excéder les attentes! Pourtant, je peux maintenant vous affirmer que le parcours réussit à séduire à presque tous les points de vue.
Le parcours débute tranquillement avec quelques-uns des trous situés sur les portions les moins ondulées du parcours. Ces trous sont bordés d’une route et de résidences qui nuisent quelque peu à l’expérience. Cependant, au trou no. 6, on quitte cette route pour ne plus y revenir. C’est à partir de ce point que le parcours prend définitivement son envol avec une succession de trous mémorables et bien souvent difficiles. L’agencement des trous nous amène au bord de l’océan, avant de revenir vers l’intérieur des terres l’espace de quelques trous. Ainsi, le trou no. 7 longe l’océan, alors que les trous 8 et 9 s’en éloignent. On y revient au vert du trou no. 10, et le trou no. 11 longe à son tour l’océan… Ce va et vient en bordure de l’océan se poursuit ainsi jusqu’à la fin du parcours, mais parmi des dunes qui deviennent de plus en plus grandes à mesure que le parcours progresse.
Ceci contribue à donner un rythme particulier au parcours. Alors que les trous se succèdent avec une variété étonnante, ceux-ci paraissent de plus en plus impressionnants à travers les dunes. On assiste alors à un crescendo qui culmine avec le dix-huitième trou qui remonte dramatiquement au chalet après avoir débuté sa course au bord de l’océan. Les vues, à partir de la terrasse, y sont d’ailleurs fort spectaculaires….
Points forts
Plusieurs points forts définissent le Old Course à Ballybunion. Premièrement, le décor parmi les dunes majestueuses et en bordure de l’océan ne peut qu’impressionner. Malgré quelques trous plus faibles (dans les circonstances) en début de parcours, celui-ci gagne en force au fil des trous qui se succèdent en crescendo qui culmine avec les trous 16, 17 et 18 qui serpentent au centre des plus grandes dunes du site, tout en offrant des vues spectaculaires.
Cependant, à mon humble avis, malgré les paysages spectaculaires et ce crescendo peu commun dans le monde du golf, deux éléments font vraiment la force de ce parcours. Premièrement, le design des verts est tout simplement sans failles. Ceux-ci sont variés et difficiles à approcher et négocier. Plusieurs sections de ces derniers repoussent les coups qui ne sont pas parfaits pour les faire bifurquer vers toutes sortes de dépressions et de zones basses à partir desquelles les petits coups d’approche offrent plusieurs possibilités.
Deuxièmement, c’est l’intégration parfaite du parcours sur son site naturel qui fait toute sa force. L’architecture du parcours est toute en subtilités et en respect de l’environnement. Les fosses sont présentes en quantité sur les trous où la topographie est plus douce, et elles sont quasi absentes sur les trous où la topographie prend le dessus. En effet, pourquoi multiplier les fosses quand le terrain offre autant de challenge en lui-même?
Points faibles
Comment trouver des points faibles sur un parcours si spectaculaire et inspirant? Ce n’est pas une chose facile. Certains diront que c’est un parcours trop difficile pour le commun des mortels. Ils n’auront peut-être pas tort, mais l’expérience en vaut la chandelle. Certains diront également que le parcours n’est pas facile à marcher, compte tenu de ses innombrables changements de niveaux. Ils auront également raison, particulièrement pour les gens plus âgés ou peu en forme. L’utilisation d’un cadet peut donc s’avérer ici être une bonne idée, surtout pour les premières visite où l’on découvre le parcours.
Je suggère également de jouer le parcours en matinée, ou de ne jouer que 18 trous durant cette journée pour mieux en profiter. Ma première partie sur le parcours fut jouée après une première ronde en matinée, et près de quatre heures de route. Inutile de dire que j’étais passablement fatigué en milieu de parcours et que j’ai eu besoin de mon deuxième souffle pour compléter!
Trous à souligner
Trou no. 2
Après un premier trou plutôt ordinaire, à part pour le fait qu’un cimetière est en jeu sur le coup de départ (!!), le parcours démontre rapidement de quel bois il se chauffe avec une difficile normale 4 qui grimpe au sommet d’une dune qui doit atteindre près de 40 pieds de haut! Un coup de départ long et précis est ici nécessaire pour espérer atteindre le vert sur son deuxième coup. La moindre erreur fera en sorte que notre position de frappe sera inégale, et ou que le vert ne sera pas visible à cause des grandes dunes qui en obstrueront la vue. Une normale est un accomplissement en soi sur ce trou!
Trou no. 6
D’une simplicité déroutante, ce trou se démarque des autres grâce à son vert diabolique. En effet, aucune fosse de sable, aucune particularité topographique imposante ne vient le marquer. Celui-ci est tout simplement composé d’une allée coudée vers la gauche qu’il est bien tentant de couper avec son coup de départ, et d’un vert placé en légère diagonale de gauche à droite. Quel est donc l’attrait? Le vert ne peut être atteint qu’avec un coup précis et provenant d’un angle d’attaque précis, situé du côté droit de l’allée. Ceci est d’ailleurs contre-intuitif compte tenu de la disposition de l’allée qui invite à raccourcir le trou en frappant vers la gauche de l’allée. Tous les coups d’approche provenant du côté gauche de l’allée devront négocier avec les pentes du vert qui ont tendance à repousser les coups trop courts, trop longs, ou peu précis, laissant ainsi les golfeurs avec des petits coups d’approche très difficiles à accomplir.
Trou no. 8
Le trou no. 8 est tout simplement l’une des meilleures normales trois que j’ai vues dans ma vie. Le décor n’y est pas spectaculaire – on est entouré de deux verts temporaires qui sont parfois utilisés pour les trous no. 7 et 8 lors de certaines parties de la saison – et la topographie ne l’est pas plus; les plus grosses dunes se trouvant plus loin sur le parcours. C’est le nivellement du vert qui fait toute la différence. Celui-ci est mince et profond, et il est entouré de fosses de sable et de monticules rasés qui font soit rebondir la balle vers le centre du vert, soit rebondir les balles dans des positions compromettantes demandant des petits coups d’approche extrêmement imaginatifs et variés. Quoi demander de mieux? Il faut le voir pour le croire!
Trou no. 11
Le trou no. 11 est célèbre à travers le monde pour son allée extrêmement ondulée en bordure de l’océan et son vert partiellement dissimulé derrière un entonnoir formé par deux immenses dunes qui stopperont tous les coups d’approche frappés hors ligne ou à court du vert. Ne soyez pas étonnés de vous sentir comme une chèvre de montagne si vous n’atteignez pas le vert avec votre coup d’approche! Aussi bien tenter de frapper au-delà du vert pour être certain de ne pas être à court. Ceci n’est cependant pas une mince tâche compte tenu des vents qui soufflent continuellement sur le parcours, et le fait que le trou mesure 473 verges des tertres de départ arrière….
Trou no. 12
Imaginez : une normale trois de 214 verges en pente ascendante très forte, avec un vert minuscule situé au sommet d’une dune imposante…. Ça semble trop difficile pour vous? Je ne vous ai pourtant pas encore mentionné le vent qui souffle à partir de l’océan, et le fait que le devant et le côté droit du vert sont si pentus qu’il est difficile d’y grimper avec nos sacs de golf…. Je me répète, mais encore une fois, il faut le voir pour le croire! Je ne jouerais pas ce trou à répétition, mais je dois admettre qu’il est unique en son genre. Une normale réussie ici grâce à un coup de départ miraculeux constitue l’un des points forts de mon voyage!
Trou no. 15
Le trou no. 15 est une autre normale trois mémorable qui est, à plusieurs égards, l’inverse du trou no. 12. Celle-ci est aussi longue, à 216 verges, mais cette fois, elle débute au sommet d’une dune, avant de terminer au bas d’une dépression en forme d’amphithéâtre avec un vert immense séparé en deux paliers distincts par une forte pente. Le tout semble très intimidant et le coup de départ doit, encore une fois, être parfait. Le décor impressionne également. On y voit l’océan, en arrière plan, ainsi que le trou no. 16 qu’il est d’ailleurs fort utile d’observer avant de quitter le tertre de départ….
Trou no. 16
La dernière normale cinq du parcours semble une proie facile, avec une distance d’à peine 509 verges. Ce n’est que lorsque l’on constate la présence du vert au sommet d’une autre forte montée que l’on comprend que la partie ne sera pas aussi facile que prévue. Le trou présente une forme fortement coudée vers la gauche. Il est donc très tentant de vouloir couper le coin du trou pour se rapprocher du vert. Une grosse dune ainsi que deux profondes fosses de sable protègent cependant le coin intérieur du trou. Il faut donc être long et précis pour espérer apercevoir le vert au sommet de la pente. L’immensité des dunes qui bordent les deux côtés de l’allée donnent un sentiment d’oppression rarement rencontré dans le monde du golf en plus de capter les balles frappées hors ligne avec leurs pentes garnies de fétuque.
Ce que je retiens du parcours
Que peut-on retenir de ce parcours pour l’aménagement de nouveaux parcours? Plusieurs choses. Premièrement, l’agencement des trous d’un parcours contribue grandement à sa qualité. Les trous du Old Course ont été placés dans des endroits propices qui ont contribué à les rendre mémorables, en utilisant toutes les particularités naturelles du site. Ensuite, le design fantastique des verts a permis de rehausser la qualité des trous situés sur les parties les moins intéressantes du site, jusqu’à en faire des trous intéressants, comme par exemple, le trou no. 6. Enfin, l’architecte a su doser ses interventions en plaçant ses obstacles uniquement aux endroits où ceux-ci étaient nécessaires pour rehausser la qualité du parcours. Ainsi, plusieurs trous offrent peu de fosses de sable, compte tenu que la topographie y joue un rôle très important.
Le verdict
Évidemment, il est impossible de ne pas rester marqués par le paysage imposant que présente le Old Course du Ballybunion Golf Club. Mais au-delà de ce paysage marquant, il y a des trous de golf qui tirent le maximum de ce que le site peut offrir. J’ai particulièrement apprécié le travail de l’architecte, Tom Simpson, qui a su localiser les trous avec une main de maître appréciable sur ce site qui peut paraître, par endroits, impossible tellement il est ondulé. Le fait d’avoir modifié l’ordre des trous au début des années 1980 pour relocaliser le chalet à son emplacement actuel fait en sorte que le parcours se termine maintenant avec les trous situés dans les dunes les plus spectaculaires. Ceci fait en sorte que l’on a l’impression d’avoir vaincu une bête lorsque l’on revient finalement, épuisés, au chalet pour se prendre une Guiness bien fraîche. Oui, le parcours est difficile (du moins pour un golfeur de mon calibre!), mais il offre des coups uniques et spectaculaires qui sont amusants à tenter, tout en étant mémorables. Mérite-il sa place au sommet des palmarès des meilleurs parcours de golf au monde? Sans aucun doute. Tout bon voyage de golf qui se respecte en Irlande devra inévitablement comprendre un arrêt à Ballybunion.
©Yannick Pilon Golf 2011