Le golf de retour
aux Olympiques après 112 ans d’absence
Le Comité International Olympique profita de l’annonce
de l’octroi des jeux olympiques à la ville de Rio en 2009 pour annoncer que le
golf ferait un retour aux jeux après 112 ans d’absence. S’ensuit alors la recherche d’un parcours
acceptable pour tenir les compétitions. On détermine rapidement que les deux
parcours existants de la région de Rio ne sont pas au niveau nécessaire pour
tenir un tournoi de cette envergure, et on part à la recherche d’un site
favorable à proximité des autres sites olympiques.
Une fois le site établi en bordure de la lagune de
Marapendi qui longe l’océan Atlantique, une compétition fut mise en place pour
déterminer le choix de l’architecte qui aurait la chance de construire ce
parcours voué à obtenir automatiquement une grande visibilité. Huit firmes sont choisies parmi les
finalistes, dont quatre fondées principalement par des superstars du golf
mondiales (Jack Nicklaus, Greg Norman, Gary Player et Peter Thomson), deux
dirigées par des architectes internationaux bien établis (Robert Trent Jones
Jr. Et Martin Hawtree) et deux plus petites firmes fondées par des architectes
moins connus aux styles similaires (Tom Doak et Gil Hanse). Dès le départ, on croit que les gros noms
auront un avantage à cause de leur grande notoriété, mais c’est finalement la
firme de Gil Hanse qui gagne la mise en mars 2012.
Depuis cette annonce, la création du parcours a été
suivie de près par plusieurs groupes : les fans d’architecture qui étaient
au courant de ce concours et qui étaient curieux de savoir ce qui adviendrait
de ce parcours, les communautés locales qui étaient contre le développement du
parcours sur ce site à haute visibilité, et par les environnementalistes qui
étaient aussi à l’affut du moindre problème environnemental. Après plusieurs délais et une épreuve test
qui a été boudée par la quasi-totalité des meilleurs golfeurs mondiaux
convoqués à l’évènement, le parcours sera officiellement inauguré lors du
tournoi olympique des hommes, du 11 au 14 août, et ensuite le tournoi des
femmes, du 17 au 20 août.
Caractéristiques du parcours
Inspiration tirée
des parcours du « Sandbelt » australien
Le mandat donné à Gil Hanse visait à créer un parcours
qui serait en harmonie totale avec son environnement, tout en offrant un défi
intéressant pour les meilleures golfeuses et les meilleurs golfeurs de la
planète. Pour élaborer leur design sur un tel site, Gil Hanse et son équipe se
sont inspirés des parcours classiques du « Sandbelt » australien,
soit les parcours Royal Melbourne Golf Club, Commonwealth Golf Club, Victoria
Golf Club et Kingston Heath Golf Club, tous situés dans la banlieue de
Melbourne. Ces parcours sont tous situés
sur des sols sablonneux et présentent tous des conditions fermes et rapides,
tout en étant exemplaires dans l’intégration de la végétation naturelle du site
dans le design du parcours.
Sable et flore
locale mis en valeur
Pour être en harmonie avec la nature du site et ses
environs, l’équipe de Gil Hanse a minimisé les mouvements de terre sur le site
et utilisé en grande partie sa topographie naturelle. On a également procédé à la naturalisation de
grands espaces sur le site avec des plantes indigènes permettant ainsi de
mettre cette végétation en valeur dans les zones hors-jeu du parcours. Un attention particulière a également été
apportée aux fosses de sable du parcours afin que celle-ci servent de zones de
transition entre les allées et les zones bien entretenues du parcours, et la
végétation indigène du site située à proximité des allées. Le sable naturel du site a également été
utilisé dans les fosses. Celui-ci présente
diverses couleurs et diverses textures qui ont été conservées telles-quelles
sur le site. Les golfeurs auront donc à
s’adapter au sable selon l’endroit où ils se trouveront sur le site. Cette
approche s’avère être beaucoup plus écologique que l’importation de sable à la
granulométrie et à la couleur uniforme, en plus de donner une saveur bien
locale au parcours.
Plusieurs trous à
normale « et-demi »….
Le parcours présente plusieurs trous dont les
longueurs ambiguës créent des trous à normale « et-demi ». Que veut-on dire par là? Ce sont des trous qui sont à mi-chemin entre
des normales 3 et des normales 4, ou à mi-chemin entre des normales 4 et des
normale 5. Par exemple, une courte
normale 4 de près de 300 verges est atteignable par plusieurs golfeurs avec
leurs coups de départ, ce qui en fait presque l’équivalent d’une longue normale
3. La même logique s’applique avec une
courte normale 5 atteignable en deux coups qui est presque l’équivalent d’une
longue normale 4. La majorité du temps
ces trous aux longueurs hybrides présentent des difficultés ou des
particularités qui incitent les golfeurs à tenter leur chance pour obtenir
l’oiselet, tout en menaçant ceux qui échouent par des coups de sauvetage
pouvant être risqués. Lorsque présentés
devant de telles situations, les golfeurs ont souvent le choix de tenter le
diable ou de choisir le chemin le moins dangereux au risque de perdre un coup
sur les joueurs qui seront plus agressifs et qui obtiendront du succès. À mon humble avis, ces trous sont souvent les
plus intéressants des parcours.
Trous à souligner
Étant donné le nombre de particularités
architecturales rencontrées sur ce parcours, je vais vous présenter un peu plus
de trous qu’à mon habitude.
Trou no. 1
Malgré ses 604 verges, ce premier trou se joue avec un
vent dominant arrière et il devrait être atteignable en deux coups par les
longs cogneurs. Son vert est bordé de hauts monticules à sa droite, favorisant ainsi
une entrée au vert par un coup d’approche plus court provenant de la gauche de
la deuxième zone de réception du trou qui est partiellement cachée derrière une
dune de sable. Les longs coups d’approche à trajectoire plus basse pourraient être
repoussés à l’arrière gauche hors de la surface du vert par un mauvais rebond
sur les monticules, ou pire encore, être stoppés à court, à droite, laissant un
coup d’approche difficile au-dessus des monticules.
Trou no. 3
Le trou no. 3 est la première normale quatre du
parcours que certains golfeurs pourraient être tentés d’atteindre avec leurs
coups de départ. Avec un obstacle d’eau
longeant le côté gauche du trou, et un vert longiligne disposé en angle entre une
série de fosse de sable, la tâche pourrait ne pas être si simple qu’elle n’y
parait. Après seulement trois trous, il
est déjà clairement établi que les golfeurs feront face à plusieurs choix et
plusieurs risques dépendant du niveau d’agressivité qu’ils voudront bien
démontrer.
Trou no. 6
Le trou no. 6 est la normale trois la plus unique du
parcours. Pouvant être jouée de deux
angles différents, ce trou offre deux perspectives différentes selon le tertre
utilisé. À partir du tertre de gauche, l’approche
au vert est semi-aveugle, puisque le vert est partiellement caché derrière une
dune de sable imposante. À partir du
tertre de droite, la majorité du vert est visible et la dune peut être utilisée
pour ramener des coups de départ frappés à gauche du vert vers le trou. Le vert est, quant à lui, de type
« Punchbowl », ce qui signifie que la majorité des pentes qui
l’entourent se dirigent vers le centre du vert. Ce type de design est largement
utilisé sur les parcours de type links écossais et irlandais, mais beaucoup moins
sur les parcours nord-américains à cause des nombreux problèmes de drainage que
ceci peut créer. C’est la même chose
pour les coups aveugles qui sont souvent perçus, ici au Québec, comme des
éléments de design indésirables compte tenu des dangers que ceci peut créer, et
le fait que les golfeurs ne peuvent clairement identifier leur cible.
Trou no. 7
Le trou no. 7 est l’une des normales 4 les plus
difficiles du parcours avec un vent dominant de face. Ce qui constitue la principale difficulté du
trou est son vert passablement grand, mais dont le premier tiers est aménagé en
faux devant (« false-front »).
Ainsi, un coup d’approche qui tombera sur le devant du vert ne pourra
pas tenir sur la pente forte et sera inévitablement retourné vers l’allée à
l’avant du vert. Les joueurs devront
donc atteindre le centre du vert avec leurs coups d’approche pour s’assurer de
rester sur sa surface. Un monticule à
l’arrière gauche du vert pourra les aider à rediriger leurs coups d’approche
vers la portion arrière droite du vert, bien protégée par une fosse passablement
profonde.
Trou no. 10
Le trou no. 10 est une longue normale 5 de 590 verges
où l’importance de bien positionner son coup d’approche sera primordiale. Le coup de départ sera difficile, avec un
vent dominant de gauche à droite, et un étang à la gauche de l’allée. Un long coup de départ frappé à proximité de
l’eau permettra de bien se positionner pour une chance d’atteindre le vert en
deux coups, mais une approche plus sage serait de positionner son deuxième coup
le plus loin possible vers la gauche de l’autre côté de l’étang, afin de
profiter du meilleur angle d’approche vers le vert étroit mais profond, et disposé
en angle de gauche à droite. Une
approche à partir du côté droit présentera, au contraire, un vert peu profond
derrière lequel se trouve une large fosse profonde qui borde directement le
vert.
Trou no. 15
Lorsque les golfeurs sont confrontés à un obstacle au
centre de l’allée, plusieurs d’entre eux pensent que l’architecte a perdu la
tête. « Pourquoi pénaliser un coup
parfaitement centré au milieu de l’allée? » diront certains…. La réalité
est qu’un coup qui s’y retrouve n’a pas été parfaitement exécuté, ou peu
réfléchi. Un tel obstacle force les
golfeurs à élaborer une stratégie.
Frapper à gauche ou à droite de l’obstacle donne généralement un
meilleur angle d’attaque vers le vert, ou diminue la distance pour y
arriver. Frapper au-dessus de l’obstacle
donne une plus courte approche vers le vert, tandis que jouer à court est l’option
la plus conservatrice, mais celle qui laisse le plus long coup d’approche. Dans ce cas-ci, l’option est surtout de jouer
à court, ou tenter de franchir la fosse et de se donner une courte approche
vers un des verts les plus protégés du parcours.
Trou no. 16
La dernière normale quatre du parcours pourrait bien
décider du vainqueur. À 303 verges,
plusieurs golfeurs seront tentés d’atteindre le vert avec leurs coups de
départ. Cependant, ils devront être
extrêmement précis pour éviter tous les pièges entourant le vert. Celui-ci étant très étroit et bien protégé
par une fosse profonde à sa droite et des pentes fortes et très ondulées à la
gauche et à l’arrière, d’autres golfeurs pourraient décider de jouer de manière
plus conservatrice. Compte tenu de la forme particulière du vert, le
positionnement de leur coup de départ sera toutefois très important, puisqu’un
mauvais angle d’attaque vers cette petite cible pourrait leur causer des
problèmes à l’approche. Il sera
intéressant de voir comment les golfeurs attaqueront ce trou bien particulier
en situation de pression en fin de parcours.
Conclusion
Il y a tant d’éléments intéressants à discuter sur ce
parcours que ce texte pourrait s’éterniser longtemps sur toutes ses subtilités! J’ai donc bien hâte de voir comment les
golfeurs décideront d’attaquer ses différents obstacles. Est-ce que la compétition sera relevée? Avec
l’absence de plusieurs des meilleurs joueurs au monde et la taille restreinte
du peloton réduite à 60 joueurs féminins et masculins, la question mérite d’être
posée. Cependant, il ne fait pas de
doute pour moi que le parcours créé par Gil Hanse et son équipe offrira du golf
inspiré qui donnera plusieurs opportunités aux golfeurs de faire des oiselets
et des aigles. Les pointages pourraient
être bas compte tenu de la longueur relativement courte du parcours et ses
nombreux trous à normale « et-demi », et ceci pourrait créer un
spectacle excitant pour les téléspectateurs du monde entier. Est-ce que ceci
contribuera à rehausser la visibilité déjà bonne du golf à l’échelle
planétaire? C’est une excellente question. En attendant d’avoir une idée de la
réponse, je vous souhaite deux bons tournois olympiques! On se retrouve en
Septembre pour la Coupe Ryder au Hazeltine National Golf Club.
Pour une description complète du parcours par
l’architecte avec vues aériennes (en anglais), cliquez ici.
Pour une description complète du parcours par
l’architecte avec vues en plan (en anglais), cliquez ici.
Pour
les détails passionnants concernant le choix de l’architecte du parcours (en
anglais), cliquez ici.
Pour tout ce que vous devez savoir sur le tournoi
olympique (en anglais), cliquez ici.
Yannick Pilon Golf © 2016