jeudi 27 septembre 2018

Le Golf National de France - Un links ou un parcours Nord-Américain?


Les verts des trous 15, 16 et 18 seront entourés de dizaines de milliers de
spectateurs lors de la compétition; l'avantage d'un parcours de type TPC.
La Coupe Ryder est de retour en Europe continentale pour la deuxième fois seulement de son existence, et c’est sur le parcours Albatros du Golf National de France que la compétition aura cette fois lieu.  Le parcours Albatros est bien connu des golfeurs européen qui le fréquentent depuis près de trente ans puisque ce dernier agit comme site de l’Open de France depuis 1990.

Le design du parcours est aujourd’hui crédité à Hubert Chesnaux, ancien capitaine de l’équipe de golf de France (1975-1979) et architecte de formation. Celui-ci a créé quelques parcours de golf en France avant de s’attaquer à l’Albatros et c’est son implication dans la Fédération Française de Golf qui lui a valu la chance d’être l’architecte de ce qui allait devenir le Golf National. Un mystère persiste toutefois quant à l’implication même de M. Chesnaux dans le design du parcours. Certains historiens et fans d’architecture attribuent plutôt le plus gros du design du parcours à l’architecte américain Robert von Hagge et son équipe, alors que ce dernier avait été engagé à titre de consultant au design suite à l’ouverture du Club Les Bordes, en 1987 – un parcours qui fut immédiatement reconnu comme l’un des meilleurs de France à l’époque. Bien que le style particulier de von Hagge soit présent sur l’ensemble du parcours, il semble qu’on tente aujourd’hui d’en minimiser l’apport au profit de M. Chesnaux. C’est du moins ce que l’on peut constater sur le site web du parcours ou dans quelques-unes des publications officielles du tournoi. Un récent article paru dans l’édition de juillet du magazine « Golf Architecture » fait état de cette curieuse situation (Voir le lien après le présent article).

Trou no. 5 - Certains trous présentent un look qui s'apparente
aux links desquels ils s'inspirent.
Peu importe qui en a fait le design, le Golf National de France est sans aucun doute un choix qui s’inscrit dans la logique mercantile du tournoi. En effet, puisque le parcours a été conçu dans l’esprit des « Tournement Player Clubs » tels qu’on les retrouve un peu partout en Amérique du Nord, toutes les infrastructures sont déjà en place pour accueillir un évènement de la sorte. La proximité du parcours avec la ville de Paris en fait également un endroit de choix pour accueillir de nombreux spectateurs. Le fait que les golfeurs européens foulent les allées du club à chaque année lors de l’Open de France fait en sorte que ceux-ci connaissent bien ses secrets. Pas de doute que ceci pourrait être à l’avantage de l’équipe Europe.

Une topographie au service des spectateurs
Conçu par la Fédération Française de Golf  expressément pour accueillir l’Open de France, le parcours fut construit sur une site entièrement plat qui fut transformé et renivellé pour offrir un design qui permettrait l’organisation de tournois de manière optimale. Des quantités immenses de terre furent importées sur le site pour construire de larges monticules permettant aux spectateurs de suivre l’action de manière aisée. De grands étangs furent également aménagés pour améliorer le drainage du site et créer des trous offrant des coups dramatiques en vue de générer un bon spectacle.  C’est sans aucun doute l’une des raisons pourquoi on l’a choisi comme site hôte de la Coupe Ryder. On peut donc s’attendre à des trous au centre de vallées bordées de monticules surélevés isolant ainsi les trous les uns des autres tout en offrant de bons points de vue pour la télé

Un links ou un parcours typiquement nord-américain?
Trou no. 2 - D'autres trous semblent sortir tout droit d'un
parcours floridien.
Considéré comme étant très difficile par les professionnels, ce parcours est un croisement entre le TPC à Sawgrass et un parcours de type « links » sans toutefois en présenter les conditions de jeu caractéristiques.  En effet, ici, les conditions de jeu fermes et rapides seront probablement absentes et la balle roulera beaucoup moins que sur les fameux « links ». L’herbe longue y sera également beaucoup plus dense que la fine fétuque écossaise! L’influence du TPC à Sawgrass se fera sentir de plusieurs manières, premièrement par le jeu aérien qui est préconisé sur plusieurs trous de style « target golf » où les allées sont des îles au milieu d’une mer de gazon long et où des obstacles d’eau viennent frôler des verts imposants où il y a peu de marge de manœuvre. La présence de murets de bois en bordure des étangs complète les ressemblances avec le célèbre parcours diabolique de Pete Dye qui était bien en vogue à l’époque où le parcours fut construit. Inutile de dire que les golfeurs auront peu d’options et ils devront exécuter leurs coups méthodiquement pour éviter les erreurs qui leur feront perdre de précieux points au classement.

Des fosses de sable peu en jeu
Une chose est certaine : les fosses de sable ne seront pas un facteur déterminant sur ce parcours. En effet, il n’y en a que 37 en tout. Neuf trous n’ont pas de fosses d’allées, et cinq verts n’ont pas de fosses à leurs abords. Ce sont donc les contours des verts, l’herbe longue et les obstacles d’eau qui agiront en tant qu’obstacles que devront contourner les golfeurs. Ceci est quelque peu surprenant pour un parcours voulant reproduire l’apparence des links. Les quelques fosses présentes sont quant à elle bien souvent dans des zones hors-jeu ou peu en jeu pour les professionnels.

Conclusion
Trous nos. 15 et 18. Espérons que les matches se rendront
jusque là; le tout pourrait être intéressant!
Le choix des parcours hôtes de la Coupe Ryder est bien souvent une déception à mes yeux, et ce, surtout lorsque le tournoi se déroule en Europe. Bien que je comprenne l’idée de vouloir présenter la compétition dans plusieurs pays différents afin d’intéresser le plus grands nombre à la compétition, je me questionne souvent quant aux choix des organisateurs.  En France, il aurait été intéressant de présenter le tournoi sur l’un des parcours de l’architecte Tom Simpson : Morfontaine, Chantilly ou Fontainebleau – des parcours considérés comme les trois meilleurs du pays et parmi les meilleurs d’Europe continentale. Et pourtant, on a choisi un parcours qui s’apparente plus à un faux links américain tel qu’on en voit des dizaines ici sur notre continent. Évidemment, ces parcours sont peut-être moins spacieux et plus éloignés de Paris, mais ils ont aussi beaucoup plus de caractère. La décision peut s’expliquer d’un point de vue monétaire et fonctionnel, mais elle contribue à minimiser mon attrait pour le tournoi.  Peut-être suis-je un peu conservateur dans mes goûts, mais pourquoi ne pas tenir cette compétition sur des parcours de type links lorsqu’elle se déroule en Europe. Ne serait-ce pas là un avantage du terrain pour les golfeurs Européens qui sont plus habitués à ce type de parcours? Ceci étant dit, les européens ne sont pas les seuls à user de cette tactique de plus en plus courante, soit celle de présenter des tournois sur des parcours de plus en plus modernes où les infrastructures sont plus spacieuses et propices à accueillir de nombreux spectateurs, et plus de tentes corporatives. C’est malheureux, d’un amoureux des parcours, mais au bout du compte, c’est le jeu des golfeurs qui rend le spectacle plus intéressant.

Ceci étant dit, le contexte actuel fera en sorte que la compétition aura un attrait bien spécial cette année. En effet, le retour en force de Tiger Woods suscitera à lui seul un engouement que n’espéraient surement pas les organisateurs en début d’année! Qui aurait cru qu’il serait capable d’un tel retour? Faire partie de l’équipe est déjà un exploit remarquable, mais le fait qu’il ait mérité sa 80e victoire en carrière la semaine avant la compétition ne fera que relever le niveau d’intérêt de tous les téléspectateurs qui la suivront.

Pour la description officielle du parcours pour la compétition, cliquez-ici.

Pour plus d’info concernant la controverse entourant le crédit architectural du parcours, cliquez-ici.

Yannick Pilon Golf © 2018