Waterville, Comté de Kerry, Irlande
Architecte : Eddie Hackett, John A. Mulcahy & Claude Harmon (1973), Tom Fazio (2006).
Le golf est joué à Waterville depuis 1889, lorsque des techniciens travaillant sur le premier câble transatlantique relayant des messages entre l’Amérique et l’Europe ont conçu les bases de ce qui allait devenir plus tard l’un de meilleurs parcours d’Irlande et du reste du monde. Ce n’est que beaucoup plus tard que l’on pourra cependant jouer au golf sur 18 trous à Waterville. En effet, ce n’est qu’à la fin des années soixante qu’un américain d’origine Irlandaise, John A. Mulcahy, arrive dans la région avec le projet d’y construire le « links » le plus difficile au monde!
Pour compléter son projet, Mulcahy s’entoure d’Eddie Hackett, célèbre architecte de golf irlandais, ainsi que de Claude Harmon, un ami personnel gagnant du Masters en 1948 et professionnel en titre du Winged Foot Golf Club situé dans l’état de New-York. Le nouveau parcours ouvre donc ses portes en 1973 avec deux parcours de neuf trous aux caractères différents; le premier neuf se trouvant sur des terres plus humides et plates, tandis que le neuf de retour serpente à travers de larges dunes majestueuses. Le parcours devient alors rapidement un favori des golfeurs locaux et des touristes visitant la région.
En 1987, le parcours devient la propriété d’un groupe d’américains qui vise à amener celui-ci à un autre niveau d’excellence. Pour ce faire, les services de l’architecte américain Tom Fazio sont retenus pour redessiner le parcours et rehausser le caractère du premier neuf qui souffrait des comparaisons avec le neuf de retour, perçu comme étant beaucoup plus spectaculaire.
Le parcours
Dès nos premiers pas sur le parcours, on décèle le travail méticuleux d’un architecte au sommet de son art. Un champ de pratique impressionnant nous accueille avec une série de cibles sculptées et un décor des plus spectaculaires. Tout, ici, est bien entretenu et bien présenté. Même les conditions de jeu semblent meilleurs qu’ailleurs, sur les autres links de la région. On sent l’influence américaine des propriétaires qui ne doivent pas lésiner sur les moyens pour offrir le meilleur parcours possible aux visiteurs.
Le parcours débute doucement, avec un trou nommé « Last Easy ». Disons que le ton est donné pour la suite des choses! Le deuxième trou se rend ensuite au bord de l’estuaire de la rivière Inny au bord de laquelle se trouve également le troisième trou. Le parcours prend ensuite un peu plus de momentum avec une normale trois à travers la première série de dunes du parcours. Le neuf d’aller se met ainsi à serpenter à travers une série de fausses dunes bien créées par l’architecte et son équipe de « shapers » (les artistes du bulldozer). On se surprend pourtant à se demander ce qui fait de ce parcours l’un des meilleurs au monde. Les trous y sont tous bons, mais font-ils vraiment partie de l’élite mondiale? Et que dire du trou no. 6, une nouvelle normale 3 de Fazio sculptée dans de fausses dunes et complétée par un fossé de drainage aménagé de manière artistique, mais semblant sortir d’un paysage floridien?
On aura vite la réponse. C’est vers la fin du neuf d’aller que le parcours prend littéralement son envol pour offrir du golf qui deviendra rapidement mémorable. Après une série de quatre normales quatre solides, les trous no. 11 et 12 forment un duo du tonnerre qui pourra créer beaucoup de dommages sur les cartes de pointage. Les trous 13 et 14 reviennent dans la zone plus plate du parcours, mais en offrant du golf inspiré, tandis que les trous 15 à 17 remontent à des sommets de qualité inégalés jusqu’ici. Ce n’est qu’au trou no. 18 où l’on sent que l’espace à manqué légèrement, avec une normale 5 à l’allée très étroite, coincée entre le trou no. 10 et la plage O’Grady, située à sa droite et définitivement en jeu sur toute la longueur du trou.
Points forts
Le Waterville Golf Links comporte plusieurs attraits de taille qui en font l’un des parcours incontournables de l’ouest de l’Irlande. Le neuf de retour du parcours est sans aucun doute l’un des meilleurs d’Irlande. Des trous spectaculaires et intéressants s’y succèdent à un rythme effréné qui laisse les golfeurs à bout de souffle.
Les paysages y sont certainement pour quelque chose. En effet ceux-ci sont spectaculaires et ils contribuent à l’attrait du parcours. D’une manière semblable à Dooks, le parcours est entouré d’éléments naturels attrayants. Situé sur une péninsule créée par la combinaison de la plage O’Grady et la Baie de Ballinskelligs à l’ouest et au sud, et l’estuaire de la rivière Inny au nord, le parcours est également ceinturé des montagnes McGillicuddy Reeks qui entourent le village de Waterville.
Certains diront que c’est l’un des parcours de type « links » les mieux entretenus. Ceci n’est pas surprenant lorsque l’on sait que les développeurs et propriétaires actuels du parcours sont majoritairement américains. Ceci fait en sorte que les conditions de jeu y sont irréprochables. On pourrait également dire la même chose de l’attrait esthétique du parcours. Les superbes conditions de jeu combinées à une architecture où l’esthétique est mise de l’avant, contribuent à laisser une superbe impression dans la tête des golfeurs lorsqu’ils quittent le parcours. Tom Fazio est parfois critiqué pour ses choix architecturaux, mais il est également fortement apprécié pour ses talents à créer des parcours à l’esthétique sans reproche. À Waterville, il ne fait aucun doute que la mission a été accomplie avec brio.
Points faibles
Il est difficile de trouver des points faibles à un parcours qui présente autant d’attraits, mais il y en a tout de même. Même si ses ondulations naturelles et ses dunes sont impressionnantes – particulièrement sur le neuf de retour – le parcours souffre cependant d’un manque de punch au point de vue architectural. On sent que Tom Fazio et son équipe ont vraiment tenté de pousser la parcours à un nouveau sommet d’esthétisme et d’attrait général en construisant de toute pièce des dunes et des ondulations de terrain qui viennent unifier l’apparence des deux neuf du parcours, mais on peut cependant douter de leurs choix architecturaux.
Par exemple, au trou no. 2, de nombreuses fosses de sable bordent le côté droit du trou, défiant ainsi les golfeurs sur les coups de départ. Par contre, on se rend vite compte que de défier ces fosses ne rapporte pas les avantages escomptés, le vert étant beaucoup plus favorable aux approches provenant du côté gauche de l’allée.
Un scénario semblable se poursuit au trou no. 3 : l’estuaire est bien en jeu sur le coup de départ et sur l’approche, mais les golfeurs n’obtiennent aucun avantage à s’en approcher; le vert étant ouvert pour tous les types d’approches, peu importe leur provenance. Le côté gauche de l’allée est quant à lui protégé par quatre fosses de sable, mais celles-ci semblent avoir une plus grande valeur esthétique que stratégique.
Néanmoins, ceci ne demeure qu’une question de préférences. La majorité des golfeurs ne remarqueront probablement jamais ces « faiblesses » car ils seront trop occupés à apprécier leur expérience. D’autres exemples semblables aux trous no. 2 et 3 pourraient être identifiés, mais je pense qu’on comprend le principe de la critique à ce point de vue. La deuxième moitié du parcours est située sur des dunes si imposantes que l’architecture passe au second plan, la qualité du parcours étant alors plus définie par la localisation des trous et leur intégration à l’environnement naturel du parcours, plutôt que par leur architecture.
Trous à souligner
Trou no.7
Plusieurs bons trous forment le neuf d’aller du parcours, même si aucun d’entre eux n’est aussi spectaculaire que les meilleurs trous du neuf de retour. Cependant, le trou no. 8 constitue le point où, à mon humble avis, le parcours se met véritablement en route. Situé sur une pente légèrement ascendante, le trou prend son envol à partir d’un fossé de drainage qui laisse deviner la nature humide des sols environnants. Le coup de départ doit être négocié autour de deux profondes fosses d’allée qui protègent le coin intérieur droit du trou au sommet d’une crête, avant que le trou ne tourne légèrement vers la droite. Le vert, orienté de droite à gauche, présente aussi son duo de fosses qui complique toute approche effectuée à partir du côté gauche de l’allée. Inutile de dire que franchir les fosses de sable avec un crochet gauche-droite sur les coups de départ procure un avantage indéniable dont je n’ai malheureusement pu tirer parti….
Trou no.11
Le trou no. 11, surnommé « Tranquility », présente l’une des plus spectaculaires normale cinq de la planète avec ses dunes majestueuses et son allée ondulée située au fond d’une profonde vallée ceinturée de fétuque. Le coup de départ doit être frappé avec précision et retenue vers une allée qui prend fin abruptement à environ 260 verges des jalons blancs. Une fois cette position atteinte, le golfeur fait maintenant face à une mince allée bordée dangereusement de fétuque de chaque côté. Ce n’est qu’à l’embouchure du vert que l’allée s’élargie à nouveau derrière une énorme dune pour donner une chance aux golfeurs. Ainsi, le coup d’approche devra être long et précis pour espérer atteindre la cible en deux coups, mais ceux qui ratent celle-ci auront tout de même de l’espace de manœuvre pour éviter le pire.
Trou no. 12
Le « Mass Hole » qui suit, est une normale 3 qui pourrait aussi bien être considérée comme l’équivalent Irlandais du dix-septième trou au TPC à Sawgrass; le vert étant une île minuscule au centre d’une mer mouvementée de fétuque située de l’autre côté d’une profonde dépression. À l’origine, on devait construire le vert au fond de cette dépression. Mais des religieux locaux protestèrent contre l’idée puisqu’ils affirmaient que cette dépression était en fait un lieu sacré. Le vert fut donc construit de l’autre côté de cette dépression, et il contribue à créer l’un des coups les plus spectaculaires et difficiles du parcours.
Trou no. 13
Même si le trou no. 13 revient dans la partie plus plate du parcours après les sommets atteints par les trous no. 11 et 12, je l’ai tout de même trouvé très intéressant. Cette normale 5 d’à peine 504 verges avec un coup de départ en descente offre une bonne opportunité d’oiselet, mais seulement pour les golfeurs téméraires. Le coup de départ y est très semblable à celui du trou no. 5, mais c’est sur le deuxième coup que les choses se corsent. Les angles formés par la disposition de l’allée et du vert placés derrière une série de cinq fosses de sable protégeant le côté droit du trou demande une bonne dose de jugement de la part des golfeurs. J’aurais préféré voir un peu plus d’espace derrière les cinq fosses de sable à proximité du vert pour réellement encourager les golfeurs a tenter leur chance, mais le trou offre néanmoins un défi intéressant.
Trou no. 15
Un coup de départ réussi est la clé du succès au trou no. 15. La disposition de l’allée au sommet d’une pente créé une confusion chez les golfeurs qui ne savent pas trop où s’enligner. Les dunes à la droite de l’allée donnent l’impression que le trou tourne vers la gauche, mais ce dernier est en réalité en ligne droite, avec une allée qui serpente à travers les dunes. Un coup de départ frappé avec une trajectoire de droite à gauche pourra bénéficier de la pente dans l’allée qui fera bondir les balles vers la gauche, en bas d’une pente prononcée. L’allée retourne ensuite vers la droite et monte vers un vert surélevé protégé par un large amphithéâtre composé de dunes imposantes.
Trou no. 16
L’allée du trou no. 16 est bordée à sa droite par l’estuaire de la rivière Inny qui se jette à cet endroit dans la baie de Ballinskelligs. Les vues y sont majestueuses. Un coup de départ à la droite de l’allée permettra de bien apercevoir le vert sur le coup d’approche, tout en fournissant le meilleur angle d’attaque. La partie est cependant loin d’être jouée. En effet, le vert est situé en bordure d’une profonde dépression qui garde l’ensemble de son côté droit. Toute balle frappée légèrement à court du vert reculera invariablement dans l’allée, tandis que tous les coups frappés à la droite du vert se retrouveront au bas de la dépression, d’où un coup d’approche sera compliqué par la forme linéaire du vert.
Trou no. 17
Les tertres de départ du trou no. 17 sont situés sur le point le plus haut du parcours : le « Mulcahy’s Peak ». De cet endroit, on obtient une vue panoramique des dunes qui composent une bonne partie du neuf de retour, en plus de profiter pleinement des vues de la baie et des montagnes environnantes. C’est un autre coup de départ spectaculaire qui offre cependant plus de marge d’erreur que sur le « Mass Hole ». Le vert, disposé en diagonale de droite à gauche, sera plus réceptifs aux coups frappés vers l’avant droite du vert. En effet, les coups frappés dans cette direction auront tendance à rebondir vers la gauche pour rouler vers la partie arrière du vert.
Le verdict
Il ne fait pas de doute que le Waterville Golf Links fait partie de l’élite mondiale du golf. Malgré un début en douceur, le parcours s’améliore sans cesse pour offrir des trous de plus en plus intéressants et spectaculaire au fur et à mesure que la ronde progresse. L’esthétique y est pratiquement irréprochable, tout comme les conditions de jeu qui y sont supérieures à la grande majorité de parcours de type links que j’ai foulé dans ma vie. Le fait que le parcours soit plus moderne que la plupart des links lui confère un style qui ne sera pas trop dépaysant pour les golfeurs nord-américains qui s’aventureront jusqu’à Waterville. Par contre les connaisseurs pourront ne pourront cependant que remarquer qu’il manque légèrement au parcours le charme un peu chaotique des links plus anciens qui offrent parfois des situations de jeu qui sortent réellement de l’ordinaire. Ceci étant dit, il ne fait pas de doute que le Waterville Golf Links devrait être à l’horaire de tout golfeur sérieux qui visitera la partie ouest de l’Irlande.
©Yannick Pilon Golf 2011
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