jeudi 27 septembre 2018

Le Golf National de France - Un links ou un parcours Nord-Américain?


Les verts des trous 15, 16 et 18 seront entourés de dizaines de milliers de
spectateurs lors de la compétition; l'avantage d'un parcours de type TPC.
La Coupe Ryder est de retour en Europe continentale pour la deuxième fois seulement de son existence, et c’est sur le parcours Albatros du Golf National de France que la compétition aura cette fois lieu.  Le parcours Albatros est bien connu des golfeurs européen qui le fréquentent depuis près de trente ans puisque ce dernier agit comme site de l’Open de France depuis 1990.

Le design du parcours est aujourd’hui crédité à Hubert Chesnaux, ancien capitaine de l’équipe de golf de France (1975-1979) et architecte de formation. Celui-ci a créé quelques parcours de golf en France avant de s’attaquer à l’Albatros et c’est son implication dans la Fédération Française de Golf qui lui a valu la chance d’être l’architecte de ce qui allait devenir le Golf National. Un mystère persiste toutefois quant à l’implication même de M. Chesnaux dans le design du parcours. Certains historiens et fans d’architecture attribuent plutôt le plus gros du design du parcours à l’architecte américain Robert von Hagge et son équipe, alors que ce dernier avait été engagé à titre de consultant au design suite à l’ouverture du Club Les Bordes, en 1987 – un parcours qui fut immédiatement reconnu comme l’un des meilleurs de France à l’époque. Bien que le style particulier de von Hagge soit présent sur l’ensemble du parcours, il semble qu’on tente aujourd’hui d’en minimiser l’apport au profit de M. Chesnaux. C’est du moins ce que l’on peut constater sur le site web du parcours ou dans quelques-unes des publications officielles du tournoi. Un récent article paru dans l’édition de juillet du magazine « Golf Architecture » fait état de cette curieuse situation (Voir le lien après le présent article).

Trou no. 5 - Certains trous présentent un look qui s'apparente
aux links desquels ils s'inspirent.
Peu importe qui en a fait le design, le Golf National de France est sans aucun doute un choix qui s’inscrit dans la logique mercantile du tournoi. En effet, puisque le parcours a été conçu dans l’esprit des « Tournement Player Clubs » tels qu’on les retrouve un peu partout en Amérique du Nord, toutes les infrastructures sont déjà en place pour accueillir un évènement de la sorte. La proximité du parcours avec la ville de Paris en fait également un endroit de choix pour accueillir de nombreux spectateurs. Le fait que les golfeurs européens foulent les allées du club à chaque année lors de l’Open de France fait en sorte que ceux-ci connaissent bien ses secrets. Pas de doute que ceci pourrait être à l’avantage de l’équipe Europe.

Une topographie au service des spectateurs
Conçu par la Fédération Française de Golf  expressément pour accueillir l’Open de France, le parcours fut construit sur une site entièrement plat qui fut transformé et renivellé pour offrir un design qui permettrait l’organisation de tournois de manière optimale. Des quantités immenses de terre furent importées sur le site pour construire de larges monticules permettant aux spectateurs de suivre l’action de manière aisée. De grands étangs furent également aménagés pour améliorer le drainage du site et créer des trous offrant des coups dramatiques en vue de générer un bon spectacle.  C’est sans aucun doute l’une des raisons pourquoi on l’a choisi comme site hôte de la Coupe Ryder. On peut donc s’attendre à des trous au centre de vallées bordées de monticules surélevés isolant ainsi les trous les uns des autres tout en offrant de bons points de vue pour la télé

Un links ou un parcours typiquement nord-américain?
Trou no. 2 - D'autres trous semblent sortir tout droit d'un
parcours floridien.
Considéré comme étant très difficile par les professionnels, ce parcours est un croisement entre le TPC à Sawgrass et un parcours de type « links » sans toutefois en présenter les conditions de jeu caractéristiques.  En effet, ici, les conditions de jeu fermes et rapides seront probablement absentes et la balle roulera beaucoup moins que sur les fameux « links ». L’herbe longue y sera également beaucoup plus dense que la fine fétuque écossaise! L’influence du TPC à Sawgrass se fera sentir de plusieurs manières, premièrement par le jeu aérien qui est préconisé sur plusieurs trous de style « target golf » où les allées sont des îles au milieu d’une mer de gazon long et où des obstacles d’eau viennent frôler des verts imposants où il y a peu de marge de manœuvre. La présence de murets de bois en bordure des étangs complète les ressemblances avec le célèbre parcours diabolique de Pete Dye qui était bien en vogue à l’époque où le parcours fut construit. Inutile de dire que les golfeurs auront peu d’options et ils devront exécuter leurs coups méthodiquement pour éviter les erreurs qui leur feront perdre de précieux points au classement.

Des fosses de sable peu en jeu
Une chose est certaine : les fosses de sable ne seront pas un facteur déterminant sur ce parcours. En effet, il n’y en a que 37 en tout. Neuf trous n’ont pas de fosses d’allées, et cinq verts n’ont pas de fosses à leurs abords. Ce sont donc les contours des verts, l’herbe longue et les obstacles d’eau qui agiront en tant qu’obstacles que devront contourner les golfeurs. Ceci est quelque peu surprenant pour un parcours voulant reproduire l’apparence des links. Les quelques fosses présentes sont quant à elle bien souvent dans des zones hors-jeu ou peu en jeu pour les professionnels.

Conclusion
Trous nos. 15 et 18. Espérons que les matches se rendront
jusque là; le tout pourrait être intéressant!
Le choix des parcours hôtes de la Coupe Ryder est bien souvent une déception à mes yeux, et ce, surtout lorsque le tournoi se déroule en Europe. Bien que je comprenne l’idée de vouloir présenter la compétition dans plusieurs pays différents afin d’intéresser le plus grands nombre à la compétition, je me questionne souvent quant aux choix des organisateurs.  En France, il aurait été intéressant de présenter le tournoi sur l’un des parcours de l’architecte Tom Simpson : Morfontaine, Chantilly ou Fontainebleau – des parcours considérés comme les trois meilleurs du pays et parmi les meilleurs d’Europe continentale. Et pourtant, on a choisi un parcours qui s’apparente plus à un faux links américain tel qu’on en voit des dizaines ici sur notre continent. Évidemment, ces parcours sont peut-être moins spacieux et plus éloignés de Paris, mais ils ont aussi beaucoup plus de caractère. La décision peut s’expliquer d’un point de vue monétaire et fonctionnel, mais elle contribue à minimiser mon attrait pour le tournoi.  Peut-être suis-je un peu conservateur dans mes goûts, mais pourquoi ne pas tenir cette compétition sur des parcours de type links lorsqu’elle se déroule en Europe. Ne serait-ce pas là un avantage du terrain pour les golfeurs Européens qui sont plus habitués à ce type de parcours? Ceci étant dit, les européens ne sont pas les seuls à user de cette tactique de plus en plus courante, soit celle de présenter des tournois sur des parcours de plus en plus modernes où les infrastructures sont plus spacieuses et propices à accueillir de nombreux spectateurs, et plus de tentes corporatives. C’est malheureux, d’un amoureux des parcours, mais au bout du compte, c’est le jeu des golfeurs qui rend le spectacle plus intéressant.

Ceci étant dit, le contexte actuel fera en sorte que la compétition aura un attrait bien spécial cette année. En effet, le retour en force de Tiger Woods suscitera à lui seul un engouement que n’espéraient surement pas les organisateurs en début d’année! Qui aurait cru qu’il serait capable d’un tel retour? Faire partie de l’équipe est déjà un exploit remarquable, mais le fait qu’il ait mérité sa 80e victoire en carrière la semaine avant la compétition ne fera que relever le niveau d’intérêt de tous les téléspectateurs qui la suivront.

Pour la description officielle du parcours pour la compétition, cliquez-ici.

Pour plus d’info concernant la controverse entourant le crédit architectural du parcours, cliquez-ici.

Yannick Pilon Golf © 2018

jeudi 9 août 2018

Le Bellerive Country Club - Un monstre vert pour le centenaire du Championnat de la PGA

Trou no. 7 – Normale 4, 394 verges
Pour son édition centenaire, le Championnat de la PGA s’arrête cette année au Bellerive Country Club situé en banlieue de St-Louis au Missouri. Bien qu’il ne soit pas dans la même catégorie de parcours américains classiques tels Shinnecock Hills, Pinehurst ou encore Pebble Beach, ce parcours est toutefois reconnu pour le challenge qu’il présente aux golfeurs dans une situation de tournoi. Ce n’est pas pour rien qu’il fut l’hôte de plusieurs championnat prestigieux au cours des six dernières décennies, dont l’Omnium Américain de 1965, l’Omnium Américain Sénior de 2004 et le Championnat de la PGA Sénior de 2013.  Le tournoi de cette semaine en fera, en fait, le troisième club seulement à avoir été l’hôte des quatre principaux championnats pour homme en Amérique.

Trou no. 1 – Normale 4, 425 verges
Bien que le Club a été fondé en 1897 alors qu’il occupait un site au nord de St-Louis avec un parcours de 9-trous, ce n’est qu’en 1960 que le parcours actuel ouvre ses portes. Dans les années 1950, l’architecte Robert Trent Jones Sr. est reconnu pour ses longs parcours de qualité offrant un excellent challenge aux golfeurs avec leurs verts souvent gigantesques et leurs éléments de parcours d’une échelle démesurée pour l’époque. Il est donc tout indiqué de lui confier la tâche d’aménager le parcours sur un site qu’il aura aidé à trouver à proximité de St-Louis. Dès son ouverture, on reconnait la qualité de l’architecture du parcours que l’on surnomme « le monstre vert de Ladue ». Si bien qu’en 1965, le parcours devient le plus jeune parcours à être l’hôte de l’Omnium Américain, cinq ans seulement après son ouverture.

Trou no. 6 – Normale 3, 213 verges
En 2006, suite à des problèmes de drainage sur les trous les plus bas du parcours en bordure d’un ruisseau qui traverse le site, on décide de procéder à une rénovation complète. C’est au fils de Robert Trent Jones Sr, Rees Jones, surnommé le « Open Doctor » que l’on donne le mandat d’actualiser le parcours afin que celui-ci puisse continuer à résister à l’assaut des meilleurs golfeurs de la planète. Si bien que plusieurs verts, plusieurs allées et la majorité des fosses ont été reconstruites pour améliorer le drainage et allonger le parcours. Ce faisant, on y créé, entre autre, un immense étang au trou no. 2 pour challenger les golfeurs sur le coup de départ ainsi que sur le coup d’approche. C’est donc une œuvre père-fils à laquelle feront face les golfeurs cette semaine.

Des verts gigantesques et bien protégés
Trou no. 13 – Normale 3, 180 verges
Depuis ses débuts, le parcours est reconnu pour ses verts gigantesques bien souvent surelevés et profonds. Ceux-ci sont régulièrement traversés par des crêtes qui les divisent en plusieurs sections plus ou moins indépendantes qui forment des cibles en soi. Atteindre les verts en coups réglementaires y sera un challenge, mais ce ne sera que la moitié de l’histoire. Encore faudra-t’il atteindre la bonne portion du vert pour espérer y obtenir des oiselets, ou sauver des normales. De multiples fosses de sable profondes et toutes aussi grandes bordent les verts, présentant des faces relevées et des pentes fortes résultant souvent en de longs coups de fosses difficiles à exécuter, même pour les meilleurs des golfeurs.

Des fosses aux abords particuliers
Trou no. 16 – Normale 3, 237 verges
En écosse et en Irlande, on retrouve souvent de petites fosses de sable profondes sur les parcours de type « links ». Il n’est pas rare que leurs abords soient en pente vers elles pour augmenter leur zone d’influence. Comme la balle roule abondamment sur ce type de surface de jeu, les fosses n’ont pas besoin des grandes pour être abondamment en jeu. Ceci est particulièrement intéressant pour les fosses d’allées et quelques fosses en bordure de verts.

À Bellerive, on retrouve un peu ce même phénomène, mais à plus grande échelle. En effet, pratiquement toutes les fosses sont très grandes avec des formes stylées, mais en plus, leurs abords immédiats sont coupés très court, à la même hauteur que les allées et sur presque l’entièreté de leurs pourtours. Il est clair que ceci offre un look passablement unique. Ceci fait également en sorte qu’une balle tombant à quelques pieds d’une fosse ou sur l’un de ses nombreux caps gazonnés a toutes les chances de rebondir dans la fosse. D’une certaine manière, ceci rend les fosses plus grandes et encore plus pénalisantes. Bien que ce soit peut-être intéressants dans le contexte d’un tournoi majeur lorsque le but est d’offrir un challenge aux meilleurs golfeurs au monde, c’est une approche qui, lorsque présentée sous cette forme et avec cette ampleur, est également fort discutable d’un point de vue de l’entretien des parcours. En effet, pouvez-vous imaginer l’ampleur de la tâche du surintendant et son équipe pour entretenir des abords de fosses semblables? La machinerie et la main d’œuvre nécessaire pour accomplir une telle tâche minutieuse ne saurait être possible sur la majorité des parcours et ne saurait être recommandée. Par contre, lorsqu’appliquée avec parcimonie, cette idée pourrait être utilisée plus souvent en vue de limiter le nombre de fosses de sable, tout en augmentant l’influence des fosses restantes sur un parcours.

Un équilibre précaire
Lorsqu’un architecte établit l’agencement des trous d’un parcours qu’il planifie, il tente généralement d’assurer un équilibre entre trous courts et longs, ascendants et descendants, coudés à gauche ou coudés à droite. Ceci n’est qu’une des multitudes facette de l’aménagement des parcours qui contribue à faire en sorte que le parcours ne soit pas répétitif pour les golfeurs, ou qu’il ne favorise pas un type de golfeur au détriment d’un autre. Lorsque l’on regarde attentivement l’agencement des trous du parcours de Bellerive, on constate rapidement que plusieurs trous présentent une configuration similaire. En effet, sur quatorze trous à normale 4 ou 5, 9 d’entre eux présentent une allée coudée vers la gauche à différents degrés – les trous no. 2, 4, 6, 7, 9, 10, 12, 14 et 18. Seuls les trous no. 1, 5, 11 et 15 sont droits, et un seul présente une légère courbure vers la droite – le 17e trou. Par ailleurs, même si le trou no. 5 est droit, sont allée pentue de gauche à droite favorise un coup de départ frappé avec une trajectoire de droite à gauche pour mieux rester dans l’allée.  Cette prédominance de trous coudés vers la gauche est très particulière sur un parcours de championnat car cela pourrait favoriser des golfeurs frappant avec une trajectoire naturelle de droite à gauche.

Conclusion
Trou no. 11 – Normale 4, 355 verges
La récente performance de Justin Thomas au tournoi Invitation Bridgestone laisse présager qu’il sera l’un des favoris pour défendre son titre acquis l’an dernier au Quail Hollow Club au cours d’une saison de rêve. Les performances de Tiger Woods auront également l’effet de créer un engouement plus accru pour le dernier tournoi majeur de la saison qui est également le moins attendus des quatre. Chose certaine, ce ne sera pas le parcours qui volera la vedette, mais fort probablement le jeu des joueurs. Plusieurs membres des médias ont décrié le fait que la centième édition de ce prestigieux tournoi ne soit pas jouée sur un parcours plus emblématique du golf nord-américain. On peut néanmoins affirmer que le parcours de Bellerive risque d’offrir une solide opposition aux golfeurs.

Pour quelques vidéos intéressantes présentant le parcours, cliquez ici:

Pour vous procurer les magnifiques photographies du parcours qui illustrent cet article, cliquez-ici :

Yannick Pilon Golf © 2018

jeudi 19 juillet 2018

Carnoustie Golf Links - Un monstre attend les golfeurs pour l'Omnium Britannique


Après le parcours du Royal Birkdale où Jordan Spieth a gagné son premier Omnium Britannique de manière dramatique, l’action se déplace cette année sur la côté Est de l’Écosse où les golfeurs seront confronté à un défi un peu plus substantiel, le Carnoustie Golf Links.

C’est vrai qu’à première vue, ce parcours de type links parait peu accidenté par rapport à d’autres, beaucoup plus spectaculaires. Ses allées sont relativement plates et majoritairement étroites et bordées de fosses intimidantes aux faces quasiment verticales. Il est traversé par un ruisseau imposant et par plusieurs fossés qui inquiètent les golfeurs sur plusieurs coups de départ ou d’approche. Fait particulier : les dirigeants du parcours se vantent bien souvent d’y présenter les meilleures conditions de jeu d’Écosse. Des conditions qui rappellent malheureusement celles des parcours nord-américains, avec une herbe souvent bien verte et spongieuse. Pourquoi, d’ailleurs, diront certains puristes? Est-ce parce que le club tente d’amadouer les visiteurs internationaux qui sont bien souvent habitués à des conditions de jeu fort différentes des conditions de jeu écossaises où une herbe multicolore est considérée, à juste titre comme idéale?

Même si des écrits relatent que le site est utilisé pour du golf depuis le début des années 1500, c’est autour de 1847 que l’essor du parcours débute véritablement, lorsque le chemin de fer s’amène à partir de la ville de Dundee située à proximité. Un premier parcours de 10-trous est formé par Allan Robertson et Tom Morris, tous deux de St. Andrews, à la demande du Caledonian Union Club.  Grâce à la nouvelle accessibilité du parcours, s’ensuit ensuite la création de plusieurs autres clubs qui utilisent tous le parcours. De nos jours, ce ne sont pas moins que six clubs qui se partagent l’usage du parcours et sa gestion, soit le Carnoustie Golf Club, The Dalhousie Golf Club, le Carnoustie Ladies Golf Club, le Caledonia Golf Club, le Carnoustie Mercantile Golf Club & le New Taymouth Golf Club! Bien que cette situation particulière n’existe pratiquement pas en Amérique du Nord, elle est plutôt courante en Écosse, où il n’est d’ailleurs pas rare de trouver les chalets des différents clubs alignés en bordure des parcours.

Bien qu’il fût modifié à de nombreuses occasions depuis sa création, on peut attribuer la forme actuelle du parcours à James Braid, gagnant de l’Omnium Britannique à cinq reprises au début du siècle dernier, et architecte de nombreux parcours écossais aujourd’hui fort reconnus. C’est en vue du premier Omnium Britannique tenu à Carnoustie en 1931qu’on lui demanda de préparer le parcours à la venue des professionnels. C’est principalement à lui que l’on doit aujourd’hui la présence de nombreuses fosses de sable intimidantes faisant la renommée du parcours.

Les fosses du vert du 17e sont imposantes.
Parlons-en des fosses de sable
En effet, le parcours est souvent reconnu pour ses fosses de sable particulièrement profondes et intimidantes qui bordent dangereusement les allées. Ce sont les fameux « pot bunkers » ou « sod-wall bunkers » qui sont typiques des parcours écossais et irlandais. Construites avec une multitude de plaques de gazon empilées les unes sur les autres pour former des murs presque verticaux, ces fosses requièrent une patience et un talent à toute épreuve. À Carnoustie, ces fosses sont bien souvent élégantes dans leur apparence, malgré leur difficulté. Confronté à de telles fosses, le golfeur québécois crierait bien souvent à l’injustice, car il n’est pas rare de devoir sortir de ces fosses en frappant de côté, voir même vers l’arrière, quand ce n’est pas carrément impossible d’adresser la balle de manière conventionnelle. Vous comprendrez que nous sommes bien loin, ici, de la clientèle qui exige de pouvoir sortir d’une fosse de sable avec un bois 3 entre les mains.

Le Barry Burn est omniprésent au trou no. 17.
Un ruisseau et des fossés irritants
Les parcours de type links étant généralement situés en bordure de l’océan, il n’est pas rare d’y croiser des ruisseaux qui traversent les parcours avant se déverser en mer. Toutefois, rares sont les links où ces ruisseaux sont aussi en jeu. À Carnoustie, ce ruisseau se nomme le Barry Burn. Il est en jeu sur au moins 5 trous, et il doit être franchi pas moins de 7 fois, dont quatre fois sur les deux derniers trous où il aura un impact sur les coups de départ. Le fait que le site du parcours soit un peu plus plat que la majorité des autres links de la rotation des parcours de l’Omnium Britannique fait également en sorte que plusieurs fossés ont été aménagés pour améliorer le drainage du site ceux-ci seront également en jeu en bordure des trous nos. 2, 3, 4, 5, 6, 9 et 12! Inutile de dire que les joueurs devront s’en méfier.

Des hors-limites bien présents
Il n’est pas rare, sur certains parcours de type links, que des hors-limites soient utilisés abondamment dans la stratégie de plusieurs trous. C’est le cas ici, en particulier au trou no. 6 qui longe une limite sur toute sa longueur. On incite souvent les golfeurs à se rapprocher dangereusement de la limite pour gagner une meilleure position d’attaque sur le coup suivant. Ceci est peu courant en Amérique du Nord, puisque les parcours sont relativement plus jeunes et que la majorité d’entre eux ont été planifiés par des architectes qui tentent aujourd’hui de repousser les limites le plus loin possible pour éviter des risques de poursuite! À Carnoustie, c’est la limite avec un autre parcours de golf du complexe qu’il ne faut pas franchir, et celle-ci longe le côté gauche des trous nos. 6, 7, 8 et 9. Des hors-limite sont également bien visibles sur les trous nos. 1 et 18. De quoi donner la frousse….

Trous à souligner

Trou no. 6 – « Hogan’s Alley »
Le hors-limite à la gauche du trou no. 6 fera réfléchir...
Nommé en l’honneur de Ben Hogan qui a gagné l’Omnium Britannique à Carnoustie en 1953, le trou no. 6 illustre très bien l’influence des hors-limites bien présents sur le parcours.  Ce trou de 580 verges est l’une des deux seules normales 5 du parcours. Elle se joue habituellement avec un vent de face qui pourra amplifier dangereusement les erreurs des golfeurs. Sur le coup de départ, ceux-ci visualisent très bien la limite de propriété qui longe dangereusement le côté gauche du trou. Bien que des fosses de sable au centre de l’allée donnent l’impression que la cible idéale est plutôt étroite, les golfeurs pourront probablement tous les franchir. Cependant, plus un golfeur sera prêt à s’approcher de la limite gauche de l’allée, plus il sera en bonne position pour son coup d’approche qui devra négocier avec un fossé à la droite de l’allée et un vert positionné dans un angle de gauche à droite.

Trou no. 14 – « Spectacle »
La deuxième et dernière normale 5 du parcours est nommée en honneur des deux fosses de sable - les fosses « Spectacles » - qui sont découpées dans un large monticule qui bloque la vue de l’immense vert qui est partagé avec le trou no. 4. Ce trou sera assurément le plus facile du parcours puisqu’il ne mesurera que 513 verges, mais pour obtenir une normale, les joueurs devront frapper un coup de départ exemplaire avec un léger crochet de gauche à droite vers l’une des portions d’allées les plus étroites du parcours. Ceux qui auront joué de prudence et joué vers la portion la plus large de l’allée devront négocier avec les « spectacles » qui sont pourtant à environ 45 verges à l’avant du vert. Par contre, avec ces conditions de jeu dures et sèches, ce n’est que quelques verges après ces fosses qu’il faudra faire tomber son coup d’approche pour le faire rouler jusqu’au vert.

Trou no. 16 – « Barry Burn »
La dernière normale trois du parcours est un monstre de 246 verges pouvant être étiré jusqu’à 260 verges dépendant de la position de drapeau sur le vert très profond et étroit. Inutile de dire que le coup de départ sera crucial, puisque le vert est bordé d’intimidantes fosses à l’avant et d’une zone de fétuque à sa droite. Plusieurs joueurs décideront probablement de jouer prudemment vers la droite de la cible, pour éviter les problèmes, mais ils devront alors sauver la normale avec un coup d’approche chirurgical!

Trou no. 18
Il sera difficile d'atteindre le vert à partir des fosses d'allée du 18.
Qui ne se souvient pas des problèmes vécus par le golfeur français Jean van de Velde sur le dernier trou de l’omnium Britannique de 1999?  Menant par trois coups avec un trou à jouer, il a fini avec un triple bogey pour se retrouver en égalité en tête avant une prolongation qu’il aura finalement perdue face à Paul Lawrie. A-t-il prit ce trou à la légère? C’est pourtant l’un des plus difficiles du parcours quand on regarde les statistiques. L’allée est étroite et bordée à droite par le Barry Burn et trois profondes fosses à partir desquelles atteindre le vert avec son deuxième coup relève du rêve. Le vert, très étroit, est également situé derrière le Barry Burn, et bordé par une longue fosse de sable. Cette année encore, ce trou risque de faire des dommages jusqu’à la dernière seconde, rendant la fin de ce tournoi fort excitante et imprévisible.

Conclusion
Le trou no. 2 est situé dans les dunes les plus hautes du parcours.
Par la description sommaire de ce parcours, vous aurez compris que des allées étroites combinées à la présence de fosses de sable intimidantes et plusieurs ruisseaux et fossés rendent ce parcours très exigeant. Ajoutez à tout cela des vents souvent forts et capricieux et vous obtenez un cocktail parfait pour des pointages élevés. Espérons que les allées n’auront pas été trop amincies pour le tournoi et que les organisateurs auront mis la pédale douce avec le système d’irrigation pour que ce soit un parcours dur et sec auquel seront confrontés les golfeurs. Des images récentes du parcours semblent indiquer que ce sera le cas. Ceci voudra dire que les balles rouleront plus longtemps, et que celles-ci auront plus d’opportunité pour se retrouver dans des positions inconfortables pour les golfeurs qui ne seront pas trop prudents. Encore une fois, le tout risque d'être fascinant et spectaculaire!

Pour une description du parcours et des images satellite spectaculaires des trous, cliquez ici.

Pour une autre description par trou du parcours sur le site web du Club, cliquez ici.

Pour vous procurer les magnifiques photographies du parcours qui illustrent cet article et qui ne sont pas de moi, cliquez ici.

Yannick Pilon Golf © 2018

jeudi 14 juin 2018

Shinnecock Hills Golf Club - Un charme et une élégance qui cachent une menace certaine


Trou no. 16 avec le chalet en arrière-plan. Photo: Stonehousegolf.com
C’est sur l’un des plus grands parcours de golf au monde que sera joué cette année l’Omnium des États-Unis. Trônant dans le top 5 des palmarès des meilleurs parcours depuis des décennies, le Shinnecock Hills Golf Club représente la quintessence des grands parcours de golf classiques nord-américains.

C’est durant l’hiver de 1891 que trois riches américains originaires de Long Island découvrent le golf lors d’une visite à Biarritz, en France, où le golfeur Willie Dunn est en voie de construire un nouveau parcours. Intrigué par ce qu’ils ont entendu dire au sujet de ce nouveau sport gagnant en popularité en Europe, William K. Vanderbuilt, Duncan Cryder et Edward S. Mead demandent au golfeur de démontrer son talent. Impressionnés par la démonstration de Dunn, ils retournèrent à New York avec la ferme intention de développer leur propre parcours à proximité de leurs résidences. Dès le printemps, ils demandent la permission au Montreal Golf Club (l’ancêtre du Royal Montreal Golf Club) pour emprunter son professionnel en titre, Willie Davis, pour une durée d’un mois. C’est ainsi que durant le mois qui suivit Willie Davis entreprit de construire un premier parcours de 12 trous avec l’aide de 150 autochtones locaux de la tribu Shinnecock. Dès le mois de juin, le parcours est fonctionnel! Il durera ainsi jusqu’en 1896 où il sera finalement agrandi à 18 trous après avoir été l’hôte de la deuxième édition de l’Omnium américain.

Trou no. 14 avec ses pentes fortes derrière le vert. Photo: Stonehousegolf.com
Au fil des décennies qui suivront, le parcours sera retravaillé par plusieurs architectes. C’est en 1927, qu’entrent en jeu l’architecte William Flynn et sa jeune équipe de chantier composée de Dick Wilson et William F. Gordon. Dès 1931, le nouveau parcours voit le jour et il demeurera essentiellement le même jusqu’à aujourd’hui.  Dès son ouverture, le parcours est très respecté et il est considéré depuis comme le plus grand chef d’œuvre de William Flynn et son équipe.

Trou no. 12 avec le chemin local. Photo: Stonehousegolf.com
Un site parfait et une ambiance sublime
Dès l’arrivée, ce qui se dégage est une impression de sérénité devant l’étendue du site qui nous entoure. Le chalet est situé sur le point le plus haut du site à partir duquel on peut voir la baie Peconic, au nord, et l’océan Atlantique, au sud. Du haut de ce promontoire, on peut pratiquement voir presque tous les trous du parcours disposés pêle-mêle dans une mer de fétuque dorée dont le parcours puise une grande partie de son esthétisme. Ici, tout semble orienté vers le golf dans une apparente simplicité. Pas de guérite à l’entrée, par de massifs floraux pompeux, pas de cascades. Rien, si ce n’est que le nécessaire pour jouer au golf. Et même si un chemin local traverse le site, pas une clôture ne vient nuire à l’esthétique du site ou à protéger le parcours des intrus.  Ceci donne l’impression de pénétrer dans une zone située dans une autre époque. Cette particularité met le club dans une classe à part avant même d’avoir joué un seul trou.

Un agencement de trous irréprochable
Une fois sur le parcours, les golfeurs découvrent un agencement de trou fort ingénieux qui profite de la topographie du site et du fait que ce dernier soit bien ouvert et balayé par le vent. En effet, les trous changent régulièrement de direction afin que les golfeurs soient toujours exposés à des vents provenant de différentes directions. Ceci fait en sorte que tout l’arsenal des golfeurs devra être utilisé pour contrer les éléments. Des trous élégants et paraissant souvent très simples peuvent se révéler être de formidables tests selon la direction du vent. Par exemple, les trous les plus longs et bénéficiant souvent d’un vent de dos offrent souvent des verts ouverts, tandis que les trous les plus courts font se confrontent souvent à des vents de face et sont mieux protégés. Cependant, même si plusieurs verts paraissent ouverts et relativement peu protégés, il faut se méfier de leurs pentes qui repoussent bien souvent des coups d’approches vers des pourtours coupés courts et qui s’étendent bien souvent sur plusieurs verges autour des cibles.

Quelques trous qui sortent du lot
Même si le parcours est rempli de trous stratégique d’une élégance et d’une beauté peu commune dans le monde du golf, il  y a tout de même quelques-uns d’entre eux qui sortent du lot.
Trou no. 5 – Une occasion à saisir

Le trou no. 5 est l’une des deux seules normales cinq du parcours et plusieurs joueurs auront l’impression d’avoir pris du retard sur leurs adversaires s’ils n’en ressortent pas avec un oiselet.  Pour ce faire, ils devront d’abord choisir de confronter quatre fosses de sable qui croisent diagonalement l’allée sur leurs coups de départ. Les nombreux joueurs qui réussiront à atteindre l’allée de gauche auront l’occasion d’atteindre le vert en deux coups grâce à un vent qui est généralement de dos, mais ils auront également à confronter un vert qui est beaucoup plus petit que sa surface ne semble l’indiquer. En effet, plusieurs de ses pentes internes feront rapidement bifurquer des coups d’approche vers la zone d’allée qui entoure le vert, créant ainsi des petits coups d’approche intéressants.

Trou no. 7 - Notez bien la pente de droite à gauche. Photo: Stonehousegolf.com
Trou no. 7 – Un Redan dangereux
Le trou no. 7 est une normale trois construite dans le style « Redan ». Ce style de trou est caractérisé par un vert présentant une pente forte de l’avant droite vers l’arrière gauche du vert, avec bien souvent, une pente ascendante forte à l’avant et du côté gauche du vert positionné en angle par rapport aux tertres de départ. Le coup d’approche idéal sur ce type de vert est donc de faire tomber sa balle sur la partie avant du vert, en utilisant un coup avec un crochet de droite à gauche pour faire en sorte que la balle rebondisse sur le vert en utilisant la pente vers l’arrière pour atteindre le drapeau. En 2004, les responsables du tournoi ont poussé la note un peu trop dans l’espoir de rendre le parcours très difficile. Le vert était si dur et si sec qu’au beau milieu de la dernière ronde, les balles ne tenaient plus en place sur le vert pentu. Si bien qu’ils ont dû irriguer le vert régulièrement entre les groupes pour éviter une catastrophe.

Trou no. 10 – Une montagne russe
Les professionnels ne feront sans aucun doute qu’une bouchée du trou no. 10 ne mesurant que 415 verges, mais pour le golfeur moyen, celui-ci est particulièrement intéressant. Le coup de départ s’y fait à l’aveugle, vers une allée dont la zone de réception est surélevée, mais où il est possible, avec un long coup de départ, de bénéficier d’une forte pente descendante pouvant faire gagner un avantage indéniable pour le coup d’approche. Le problème étant le suivant : est-il mieux de jouer de manière conservatrice pour avoir un long coup d’approche d’une position surélevée et à niveau, ou risquer de forcer la note pour atteindre la pente descendante, mais tout en risquant de s’y retrouver pour frapper un coup d’approche ascendant à partir d’une position de jeu en pente descendante si jamais le coup de départ n’est pas frappé avec assez de force. Le tout est compliqué par la forme du vert qui rejette les coups d’approche frappés mollement, au point où les balles peuvent souvent débouler les pentes fortes qui l’entourent sur plusieurs verges avant de s’immobiliser.  Beau dilemme en perspective!

Le trou no. 11 fait peur. Photo: Stonehousegolf.com
Trou no. 11 – Court mais intense
La normale 3 du trou no. 11 est l’une des meilleures au monde. D’à peine 159 verges, ce petit trou ascendant pourrait ruiner les chances de quelques golfeurs. Bien protégé à sa gauche par trois profondes fosses de sable, c’est plutôt la pente forte du vert qui pourrait causer des dommages. Le vert est fortement en pente de l’arrière gauche vers l’avant droite et les fosses. Une pente très forte vers l’arrière se trouve également directement derrière l’arrière gauche du vert. Toute balle qui aura le malheur de se retrouver dans cette zone devra être renvoyée sur la surface du vert et sa pente forte vers les fosses. Il ne serait pas surprenant que des golfeurs aboutissent dans l’un ou l’autre des fosses après avoir visité l’arrière du vert!

L'élégant trou no. 17. Photo: Stonehousegolf.com
Conclusion
Depuis la fin de l’Omnium des États-Unis de l’an dernier à Erin Hills où le champion Brooks Koepka a joué 16 sous la normale, les experts de la USGA ont jugé que le parcours de Shinnecock offrait des allées trop larges et ce, malgré le fait que le parcours venait de subir des rénovations dirigées par Bill Coore et Ben Crenshaw en vue du tournoi. Ceci est surprenant, compte tenu du fait que les membres de ce duo sont probablement les deux meilleurs architectes de golf du moment. Ils ont donc procédé à un amincissement significatif de plusieurs allées afin de rendre le parcours plus difficile et mettre l’accent sur la précision. Ceci est à mon avis une grave erreur dont les membres du club souffriront longtemps après le passage des professionnels. Mais bon, c’est de l’Omnium des États-Unis dont il est question et ceci permettra sans doute de garder les scores proches de la normale. Malgré cette modification de dernière minute du parcours qui en fait un parcours plus unidimensionnel, parions que le tournoi sera encore une fois très relevé, avec en prime l’un des plus beaux décors de golf de la planète.

Pour une description des trous avec prises de vue aériennes, cliquez ici:

Pour un article relatant les préparatifs ayant mené au tournoi, cliquez ici :

Pour un article intéressant de Ron Whitten sur le vert de type « Redan » du trou no. 7, cliquez-ici :

Pour vous procurer les magnifiques photographies du parcours qui illustrent cet article, cliquez-ici :

Yannick Pilon Golf © 2018

lundi 11 juin 2018

Perte d'expertise: une menace pour nos parcours?


La fermeture récente de plusieurs parcours de golf et les difficultés que semble avoir l’industrie depuis quelques années à maintenir une clientèle active sont deux éléments préoccupants. Mais un autre phénomène est également inquiétant, c’est la perte graduelle d’expertise dans le domaine de l’architecture, de la construction et la rénovation de parcours de golf.  La perte de parcours constitue l’élément précurseur de cette perte d’expertise qui risque de se poursuivre et s’accentuer si la tendance actuelle se maintient. Je m’explique….

Nouvelle fosse au Club de Golf Le Mirage - Mai 2018
Des revenus d’opération plus petits mènent à de plus petits projets, et à moins de projets
Les revenus des clubs stagnent et plusieurs d’entre eux peinent à joindre les deux bouts. Alors que certains clubs ferment carrément leurs portes, plusieurs autres repoussent leurs travaux ou réduisent leur envergure en attendant de meilleurs jours.

De plus petits projets mènent à des travaux prenant moins de temps
Ceci est une bonne nouvelle pour les golfeurs qui ne sont pas confrontés à de nombreux travaux qui nuisent à la saison de jeu qui s’allonge de plus en plus grâce aux changements climatiques. Par contre, cela fait en sorte que tous les clubs désirant procéder à des travaux veulent les faire en même temps et souvent à partir du mois d’octobre, puisque le mois de septembre présente de plus en plus des conditions de jeu idéales.  Ceci laisse bien peu de temps pour travailler pour les entrepreneurs qui doivent négocier avec des journées qui raccourcissent et du temps frais et humide qui ralentit les travaux.

Nouvelles fosses au Country Club de Montréal - Mai 2018
Une courte période de travaux créé une grande pression sur les entrepreneurs spécialisés
Au cours des années 1990 et 2000, les quelques entrepreneurs spécialisés basés au Québec étaient occupés à construire de nouveaux parcours au cours du printemps et de l’été, avant de rediriger leurs ressources vers les travaux de rénovation à l’automne. Maintenant qu’il n’y a plus de demande pour des nouvelles constructions et que la demande se concentre au mois d’octobre et novembre pour les travaux de rénovation, ces entrepreneurs ont de plus en plus de peine à conserver leurs employés durant toute l’année et certains d’entre eux quittent l’industrie pour subvenir à leur besoins, ou tout simplement pour leur retraite. Il y a donc une perte d’expertise qui se fait sentir graduellement. Ceci fait en sorte qu’il est de plus en plus difficile de recruter des travailleurs pour leur montrer les bases du métier. Pour contrer la tendance, les entrepreneurs sont forcés de diversifier leurs opérations afin de tenir leurs employés occupés durant toute l’année. La majorité d’entre eux travaillent maintenant à la construction de terrains sportifs ou même sur des projets d’aménagement publics, résidentiels ou commerciaux. Pour ce faire, ils doivent obtenir des licences et des certifications démontrant leurs capacités à gérer de tels projets, et ils doivent aussi bien souvent payer leurs employés à des taux horaires qui dépendent de l’industrie de la construction qui est fort règlementée et syndiquée, contrairement à l’industrie du golf.

Nouvelles fosses au Club de Golf Le Mirage - Mai 2018
Les problèmes associés à la diversification.
La diversification des activités des entrepreneurs peut également mener à d’autres effets insoupçonnés. Par exemple, lorsqu’un entrepreneur obtient un important mandat dans le domaine public, soudainement, il risque de perdre de la disponibilité pour de futurs projets de golf. Mais comment refuser de telles opportunités?  Tout le monde doit subvenir à ses besoins. Par la suite, lorsqu’il revient au monde du golf, il doit négocier avec sa main d’œuvre qui a pu travailler avec des meilleures conditions et à des tarifs plus profitables, puisque les travaux du domaine public étaient régis par les normes de l’industrie de la construction. Il doit donc charger ses travaux plus chers pour se permettre de rémunérer ses employés aux tarifs et aux conditions auxquels ils ont eu droit. Ceci limitera éventuellement la capacité de certains clubs à se livrer à des travaux plus substantiels.

Des plans B, et même C….
Lorsque les entrepreneurs ont des carnets de commande trop remplis car les travaux sont trop concentrés à l’intérieur d’un court laps de temps à l’automne, ils se retrouvent dans l’obligation de refuser certains mandats car ils n’ont pas les effectifs pour tout réaliser en même temps. Ceci force les clubs et les architectes à être créatifs afin de trouver des manières de réaliser tout de même les travaux qui ne peuvent souvent pas attendre.  Bien souvent, ce sont les surintendants et les employés des clubs qui se retrouvent avec la délicate tâche de réaliser les travaux avec de l’équipement peu adapté, parallèlement à l’entretien des parcours qui se fait déjà bien souvent avec du personnel déjà limité. Certains pensent qu’il y a là des économies à faire, mais par expérience, les résultats sont rarement moins dispendieux qu’avec un entrepreneur qualifié et bien équipé, et ils sont souvent de moindre qualité simplement à cause du fait qu’ils ont été réalisés par des ouvriers dont la construction n’est pas le principal champ de compétence. Par ailleurs, le temps passé par les employés d’entretien d’un club à la rénovation du parcours est souvent au détriment des tâches pour lesquelles ils sont habituellement rémunérés.  Ce sont donc les parcours qui en souffrent.

On tourne les coins ronds pour sauver des coûts
Toute cette problématique s’applique également au milieu de l’architecture de golf qui, faute de projets significatifs, perd peu à peu ses architectes qui se recyclent dans d’autres domaines pour subvenir à leurs besoins. Le fait que les clubs tentent par tous les moyens de sauver des coûts fait que, bien souvent, on procède à des travaux sans les avoir préalablement bien planifiés à l’aide d’un architecte qualifié qui aura étudié toutes les options possibles. Ceci peut bien souvent mener à des travaux pouvant souffrir de quelques lacunes qui ne seront bien souvent jamais corrigées, faute de budget qui aura été entièrement dépensé dans les travaux.

Est-ce un réel problème?
Certains diront que je prêche pour ma paroisse et ils n’auront pas entièrement tort. J’aime bien voir des travaux bien réalisés de manière efficace et offrant des résultats exceptionnels. Non seulement, les parcours paraissent mieux, mais, par extension, moi aussi en tant qu’architecte. Mais est-ce bien grave que des travaux de rénovation ne soient tout simplement pas réalisés, ou pas aussi bien réalisés qu’ils pourraient l’être? Peut-être que non, à court terme. Mais à plus long terme, cela voudra dire des travaux qui s’accumulent, et des parcours qui perdent graduellement en qualité au détriment de leur clientèle. Le golf ne demeure qu’un jeu et la grande majorité des golfeurs ne remarquent que très peu la qualité architecturale d’un parcours, contrairement aux conditions de jeu.  Mais en tant qu’architecte, je ne peux m’empêcher d’être inquiété à l’idée que des clubs fassent de moins en moins appel à mes services et ceux de mes compétiteurs, ainsi qu’aux entrepreneurs spécialisés en construction et rénovation de parcours de golf.  La qualité globale des parcours québécois ne peut qu’en souffrir à court moyen et long terme.  Et à mon humble avis, des parcours moins invitants risquent de graduellement faire perdre des clients.

Nouveau vert au Club de Golf  & Curling Thetford - Octobre 2017
Quelles sont donc les avenues de solution à cette problématique?
Il est bien évident qu’un regain d’énergie de l’industrie permettrait de renverser cette tendance de manière toute naturelle. Ce regain est-il possible, à court terme? Nul n’est bien placé pour percer ce mystère. Mais d’ici-là, il y aurait moyen de faire preuve d’opportunisme en permettant aux entrepreneurs de procéder à des travaux d’envergures diverses au cours de la période estivale. En planifiant adéquatement les travaux, il y a possibilité de travailler sur certains éléments des parcours  sans générer des désagréments importants pour les golfeurs. La modification de tertres de départ, la réfection de fosses ou des projets de drainage ne sont que quelques exemples.  Même des travaux de reconstruction de verts peuvent être considérés lorsque l’on prend le temps de bien préparer une vert temporaire qui pourra offrir des conditions de jeu acceptables le temps de réaliser les travaux. Évidemment, le tout n’est pas sans risques, avec les membres qui ne sont plus aussi loyaux et fidèles qu’ils ne l’étaient par le passé, et la clientèle de tournois qui est très sélective. Mais pourquoi risquer de procéder à des travaux de moins bonne qualité?

J’ose espérer que la morosité actuelle associée à la fermeture de parcours fera bientôt place à un équilibre qui deviendra la planche de salut de l’industrie.  Une fois cet équilibre atteint, je crois sincèrement que la clientèle des parcours qui auront fermé se sera redistribuée dans les parcours restants qui seront alors en mesure de prospérer à nouveau. Ceci fera en sorte que les parcours pourront possiblement à nouveau investir dans leurs infrastructures et renverser la tendance menant à cette lente perte d’expertise. D’ici là, je m’accroche à cette industrie qui me passionne depuis tant d’années en espérant que les clubs sauront encore reconnaître l’expertise que moi et mes pairs architectes et entrepreneurs peuvent apporter à l’industrie pour le bénéfice des parcours.

Yannick Pilon Golf © 2018